Édito
Ce numéro nous parle des premières années de la vie du jeune enfant.
Anna Freud nous dit que « les premières années de la vie sont comme les premiers coups d’une partie d’échecs, ils donnent l’orientation et le style de toute la partie, mais tant qu’on n’est pas échec et mat, il reste encore de jolis coups à jouer ».
Ces jolis coups, le bébé ne les joue pas seul. Depuis Winnicott nous savons qu’un bébé tout seul, cela n’existe pas, « il n’existe pas sans sa mère », sans ses parents. Les parents influent sur leur bébé mais le bébé agit sur eux, modifie leur structure affective et prend une part active dans cette spirale transactionnelle.
Ces dernières années, la psychologie expérimentale a contribué à démontrer les compétences du bébé et cela dès la vie intra-utérine. Hubert Montagner précise, en 1988, que le jeune enfant est « acteur de son développement ». Pour que le bébé puisse mettre en valeur ce formidable éventail de compétences, il faut qu’un environnement psychoaffectif « suffisamment bon » lui soit proposé et que leur influence réciproque le conduise dans un processus continu de développement et de changement.
Parfois, à l’aube de la vie, l‘histoire de l’enfant ne s’écrit pas de façon classique et le psychomotricien, traducteur des maux du corps, spécialiste de l’infra-verbal fait sa rencontre, de plus en plus tôt d’ailleurs.
C’est à travers son regard pour le bébé, son écoute des parents qu’il amorce et poursuit une relation à partir d’un échange réel. De cette activité commune partagée, l’enfant ressent la valeur donnée aux manifestations, l’importance accordée à sa personne. Il découvre le plaisir d’être et de faire avec l’autre qu’il ressent comme fiable.
De cette activité exploratoire et expérimentatrice, naissent et se développent la capacité d’anticipation, de réflexion et d’intégration. Ainsi l’enfant peut (re)prendre confiance en lui-même et dans les autres, se sentir écouté, entendu, reconnu dans ses besoins, accompagné dans ses difficultés, parfois dans sa souffrance. Entendre, toucher le corps du bébé, c’est lui donner un espace pour lui permettre de vivre son corps. Différentes expériences vont vous être proposées dans les écrits qui suivent.
Du prématuré, où la lumière est mise, dans ce premier article, sur les ressentis parentaux pour permettre d’aller au plus près du bébé. L’auteur du second article nous fait part de son expérience
à accompagner le bébé prématuré pour qu’il devienne « grand ». Mais aussi les écrits autour de l’enfant malade dans son corps. L’enfant porteur de maladie chronique, l’accompagnement du lien parents-enfant en psychomotricité et sa spécificité auprès des enfants présentant des atteintes neurologiques acquises. Les différents types de prise en charge et une approche groupale dans le cadre d’un CAMSP.
Enfin, comment le psychomotricien, à partir d’une pratique transculturelle, peut intégrer ces concepts pour rencontrer « l’enfant né ici de parents nés ailleurs ».
Pour conclure, nous voudrions vous proposez cette phrase de J. de AJURIAGUERRA (1985) : « Notre corps n’est rien sans le corps de l’autre, complice de son existence. C’est dans l’autre qu’il se voit et se construit dans l’activité des systèmes qui lui sont offerts par la nature, dans l’intimité de ce miroir reflétant qu’est l’autre ».
Claudie Arnaud et Séverine Alonso-Beckier